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Le numéro 15 des ADD est en cours de publication

Présentation de la Revue

Relever le « défi de Spitzer » : le projet des Annales de Droit dans le paysage des revues juridiques

Il y a quelques mois, R. J. Spitzer adressait, dans Saving the Constitution From Lawyers. How Legal Training and Law Reviews Distort Constitutional Meaning (New-York, Cambridge University Press, 2008, ix + 195p.), une double critique aux juristes américains. Il reprochait tout d'abord au système d'enseignement du droit d'être trop centré sur la formation d'avocats prêts à argumenter en faveur de n'importe quelle thèse au profit d'un client. Il contestait ensuite le rôle que jouent les revues dans la pensée juridique des États-Unis.

De ce dernier point de vue, l'auteur mettait notamment en cause le fait que, depuis leur origine au milieu du XIXe siècle, les revues juridiques des universités sont dirigées par des étudiants plutôt que par des membres confirmés du monde académique. En raison du fait que les professeurs étaient alors des praticiens et que les écrits juridiques étaient d'une ampleur et d'une ambition nettement plus restreintes qu'aujourd'hui, les étudiants furent appelés à prendre en charge cette frange essentielle de la littérature juridique. Faute de personnel suffisant et arguant de la dimension formatrice de ce type de responsabilité, les universités ont ainsi contribué à renverser la hiérarchie universitaire traditionnelle. Ce sont donc les étudiants qui, seuls ou à travers un engagement minimaliste des instances universitaires, déterminent (ou non) une politique éditoriale, contrôlent (ou non) la publication, acceptent, rejettent et éditent les articles.

Sans nier les qualités intellectuelles et le dévouement des étudiants qui se chargent de telles fonctions, il en résulte fréquemment selon Spitzer que, faute de l'expertise suffisante, les articles publiés ne sont pas correctement sélectionnés, sont de mauvaise qualité, répétitifs, d'une longueur démesurée, insuffisamment précis et informés, voire radicalement erronés. Conjugués à l'autre caractéristique du système éducatif américain, il n'est pas rare que les articles, davantage que le fruit d'une recherche tendant à l'objectivité scientifique, s'avèrent des plaidoyers politiques unilatéraux, partiels et partiaux. Ils peuvent ensuite être repris par les autorités politiques qui justifient alors leur action en se réclamant d'une légitimité assise sur une démonstration présentée comme strictement scientifique, puisque tirée d'une revue universitaire. Spitzer en détaille trois exemples : la question du droit inhérent de veto partiel du président, le pouvoir de commandant en chef du président et l'interprétation du deuxième amendement relatif à la détention et au port d'armes. Dans ces diverses hypothèses à ses yeux, une doctrine juridique de piètre qualité scientifique a fait le lit de revendications politiques.
Ces éléments donnent de la littérature juridique une image peu enviable vis-à-vis des autres disciplines, à la fois dans les sciences expérimentales, les sciences sociales et les humanités. Depuis leurs origines, celles-ci fonctionnent selon la méthode du contrôle par les pairs. Les travaux universitaires ayant pour objectif de faire progresser la connaissance, il semble en effet naturel de faire contrôler les publications potentielles par des spécialistes.
Comment situer, vis-à-vis de cette critique sévère, le projet des Annales de droit éditées par les Presses Universitaires de Rouen et du Havre ? L'enthousiasme de ceux qui auraient pu songer à se féliciter de l'apparition d'une revue à l'américaine, entièrement sous la maîtrise des doctorants (devenus docteurs pour certains d'entre eux depuis lors), ne peut que se trouver brutalement douché.
Mais ce serait ignorer l'ambition véritable des étudiants de l'École doctorale droit-Normandie qui, à Rouen, ont su relever ce que l'on peut considérer comme le « défi de Spitzer ».

L'idée – osée sinon purement farfelue – d'une telle revue vient entièrement d'eux, de même que l'initiative des multiples démarches pour la mener à bien, la détermination d'une ligne éditoriale, l'appel à contributions, la réception des textes, leur mise en forme, les relations avec les auteurs, les relations avec les imprimeurs, etc.
Bref, du début à la fin, chaque numéro est intégralement conçu comme l'œuvre des doctorants.

Mais dès sa conception, le projet ne s'arrêtait pas là : anticipant la critique de Spitzer et portés par une haute exigence scientifique, les membres du comité de rédaction ont d'emblée entendu mettre en place un comité de lecture prestigieux, composé d'enseignants-chercheurs confirmés, en poste à Rouen et dans d'autres universités, spécialistes des diverses branches du savoir réunies au sein de l'École doctorale : droit privé, droit public, histoire du droit et science politique. Un système de lecture en double aveugle (voire en « triple aveugle », puisque deux relecteurs sont désignés pour chaque article) des contributions soumises aux Annales dans ces divers champs, assure le respect d'un standard élevé de qualité universitaire tout en garantissant une dimension pluridisciplinaire peu commune. Les «ADD» semblent donc dès le départ s'être dotées des moyens de déjouer la critique adressée aux revues américaines.

Pour rester dans ce contexte et s'inspirer de la formule d'un président des États-Unis, les Annales de droit prennent ainsi place de manière pérenne dans le paysage des revues juridiques en tant que revue des doctorants, par les doctorants, pour non pas les doctorants mais l'ensemble de la communauté universitaire.

Guillaume TUSSEAU

Presentation of the Review

Taking on R.J. Spitzer:
The rightful place of the Annales de Droit project in the realm of law journals

A few months ago, in his work entitled “Saving the Constitution from Lawyers. How Legal Training and Law Reviews Distort Constitutional Meaning” (New York, Cambridge University Press, 2008, ix + 195p.), R.J. Spitzer criticised American lawyers on two scores. Firstly, their legal training, for focusing excessively on how to argue and win their clients cases on any possible grounds and, secondly, the questionable role of legal reviews in informing American legal thought.

Regarding the latter, the author deplores the fact that, since their beginnings in the Mid-Nineteenth Century, law reviews have traditionally been run by students rather than by experienced academics. That could be attributed to the fact that law professors were essentially practitioners, and that the scope and objectives of their publications were substantially more limited then than today. Students were subsequently called upon to take care of that essential part of law literature. Owing to staff shortages and by foregrounding the formative dimension of the exercise, universities have contributed to upsetting the traditional academic pecking order. Hence, students are the sole decision-makers that, sometimes with the timid backing of university structures, determine editorial policies, control the publication process, accept, reject or edit articles.

Much as R.J. Spitzer does not doubt the dedication or intellectual capacity of students responsible for such publications, he deplores the fact that their lack of experience has consequences in the sense that articles are not properly selected, are of poor quality, repetitive, extremely long, lacking in detail and accuracy, if not utterly erroneous. As a result, coupled with that other characteristic of the American legal system, it is not uncommon that some articles come across as mere unilateral, biased or blatant political apologies rather than the result of evidence-based research. Politicians can use those articles to justify their actions, by invoking an academic journal as their authoritative scientific source. Spitzer illustrates his point with three examples:  the President's inherent item veto, the power(s) of the President as Commander-in-Chief of the armed forces and the interpretation of the Second Amendment pertaining to owning and carrying firearms. In RJ Spitzer's view, lurking beneath those hypotheses is a legal doctrine of low scientific value, which has spawned political posturing.

These factors give legal literature a very poor image compared to other disciplines in the experimental sciences, social sciences and the humanities. Since their inception, the peer-review methodology has been the norm. Since the object of academic research is to advance knowledge, it seems natural that potential publications be overseen by specialists.
Given this harsh criticism, where does the Annales project, published by the University Press of Rouen and Le Havre, fit in? Those who were enthusiastic about the emergence of an American-style project, exclusively run by PhD students (some of whom have since completed their PhDs), can only be in for a rude awakening.

But that would be without reckoning with the actual driving force behind the Rouen-based Doctoral Law School in Normandy, whose students are ready to take on Spitzer.

This daring, if not downright daft idea came from the students themselves, and so did all the initiatives to make this review a success: editorial policies, calls for articles, selection of submissions, editing and proofreading, relationships with authors, relationships with printers, and so on. To sum it up, from top to bottom, every issue is the sole doing of PhD students. 

Right from the outset, the project did not stop there: in anticipation to Spitzer's criticism, and goaded by scientific rigour, the editorial board deliberately put together an illustrious review committee made up of seasoned academics, tenured at Rouen University and other universities, and specialists in the disciplines offered at the Doctoral Law School: private law, public law, history of law and political science. In order to meet the highest standards of scholarship, while preserving an unparalleled multidisciplinary dimension, a double-blind (sometimes even a triple-blind) review system – since two proofreaders are appointed for every article – was set up in line with the broad range of articles submitted to the Annales. Thus, the “ADD”, as the publication is currently known, seems to have hedged against the kind of criticism levelled against American journals.

Following in the same vein and echoing the words of one American president, the Annales de Droit occupies a sustainable space and role amongst legal journals as a publication of PhD students, by PhD students, and  for the benefit of (not only the PhD students) but the entire academic community.

Guillaume TUSSEAU


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